LA VIE ET LE CANAL
Enrique Martínez LozanoMc 6, 7-13
Probablement, les récits qui parlent de l'envoi des Douze ou, dans le cas de Luc, des soixante-dix (Lc 10,1) ont été élaborés à partir de la mission post-Pâques, qui reflètent plus ce qui était cette pratique communautaire que les paroles de Jésus.
Dans le texte lui-même nous rencontrons des détails qui semblent soutenir cette lecture: les indications pratiques sur le vêtement et les biens -qui vont bien avec la coutume habituelle chez les enseignants itinérants de l'époque-, l'avertissement de rester dans la même maison -ce qui était une décision des communautés, pour prévenir des abus survenus- la mention de la pratique de la "onction avec l'huile", qui a été sans aucun doute postérieure...
La "mission" est compris différemment selon le niveau de conscience où les personnes se trouvent. Dans le stade mythique, aussi bien la justification que son contenu semblaient revêtus d'une totale clarté: il s'agissait d'un service à toute l'humanité, auquel étaient envoyés pour apporter la vérité et, donc, le salut. En identifiant la vérité avec la propre croyance, et en comprenant celle-ci comme une exigence pour le salut éternel, la conclusion était évidente: le missionnaire était porteur de la vérité.
Cependant, juste après avoir dépassé le niveau mythique, ce schéma qui semblait si clair s'effondre. La vérité ne s'identifie avec aucune croyance et ne peut être enfermée dans aucun crédo. La vérité n'a rien à voir, tout d'abord, avec les concepts –bien qu'ils soient nécessaires pour nous orienter-, mais avec la réalité. La vérité, enfin, n'est pas "quelque chose" de séparé et secrètement gardé, mais simplement "ce qui est". C'est pourquoi, en nous alignant à ce qui est, nous découvrons notre propre vérité, qui est une avec Ce.
En quoi consiste, alors, la "mission"? Certainement, non pas en "quelque chose" que nous puissions dire ou faire –bien que les deux choses sont indispensables-, mais à l'attitude qui nous amène à nous percevoir comme des canaux par lesquels la Vie puisse s'exprimer. Le paradoxe humain est que nous sommes, à la fois, "canal" et "vie". Vivre consciemment ce "double niveau" nous permettra d'avancer dans la désidentification du moi (je) soi et dans l'offrande à d'autres, non-séparés de nous.
Enrique Martínez Lozano
Traducción: María Ortega